Juliane Schack
Autobiographie d’une peintre
J’ai 94 ans et je peins toujours. Pourtant j’ai trop de tableaux, parce que je n’ai pas de don commercial.
Pourquoi dois-je continuer à peindre ?
C’est ma façon de communiquer mes découvertes dans le monde visible. Le regard du peintre ne me laisse que rarement tranquille. Souvent, même dans la vie quotidienne, des formes et des couleurs me frappent et des choses ordinaires deviennent poétiques, effrayantes ou bizarres. Ainsi la vaisselle sur mon évier avec les ronds des assiettes et les lignes droites des couteaux et fourchettes m’a inspiré un croquis que j’ai transformé en une composition colorée.
J’ai donc une relation spéciale avec le monde visible et à la fois avec les sensations provoquées par ce monde. Tout cela fournit la matière brute pour l’œuvre. Puis, tout mon savoir-faire me sert à donner forme à mon vécu.
Il faut aussi mentionner les bienfaits de la concentration quasi totale que nécessite la peinture. En peignant, je vis complètement dans le présent. Les soucis sont loin. On peut se trouver dans un état second, à la fois hautement éveillé, présent et absent.
Je ne réussis pas tous mes tableaux. C’est toujours un combat. J’aimerais ne peindre que mes meilleurs tableaux, mais cela n’est pas possible. L’artiste est un chercheur, et chercher, c’est risquer de ne pas trouver. Mais quand c’est réussi, quel bonheur ! Une petite surface blanche est devenue tout un monde. Je ne peux pas m’arrêter de peindre, je suis peintre à vie !
Une relation spéciale au monde visible
Des croquis de l’étonnante architecture de la fondation Vuitton à Paris sont à l’origine d’une composition vigoureuse. Elle est peinte en noir et blanc avec des nuances de gris et d’ocre jaune, puis animée par de différentes impressions de matériaux.
Le confinement aussi a laissé des traces. Un tableau exprime une sérénité tranquille, donc le confinement bien vécu.